
Les vins corses sont « bankable » ! Un investissement d’avenir, selon Nicolas Stromboni, meilleur caviste 2011, venu présenter dimanche au domaine de Murtoli à Sartène une sélection de dix producteurs insulaires à son ami Michel Bettane, actuellement en tournée pour une semaine dans l’île. L’influent critique de vin français et co-auteur du « Grand guide des vins de France Bettane et Desseauve », qui sera aujourd’hui et demain à Bastia pour une dégustation à l’aveugle, a ainsi pu découvrir en avant-première les producteurs « coups de coeur » de Nicolas Stromboni. Parmi eux, les domaines Pieretti (Cap Corse), Sant’Armettu (Sartène), Saparale (Sartène), Alzipratu (Calvi), Gentile (Patrimonio), E Croce Yves Leccia (Patrimonio), Castellu di Baricci (Sartène), Clos Bernardi (Patrimonio) et Clos Capitoro (Ajaccio)*.
Michel Bettane est passé de stand en stand, prenant le temps de faire connaissance avec les producteurs, d’échanger et de déguster, affichant franchement ses coups de coeurs et ses déceptions. Il ne boude pas son plaisir d’être là, dans une région viticole qu’il affectionne tout particulièrement, aux côtés d’un autre passionné, qui, comme lui, mise à 100 % sur les vins corses.
Interview croisée.
Pourquoi avoir choisi de présenter précisément ces dix producteurs à Michel Bettane ?
N. S. : Il y a un peu plus d’une vingtaine d’excellents vignobles en Corse, qui méritent qu’on se déplace. On ne pouvait pas tous les rencontrer sur le terrain, alors j’ai choisi d’en faire venir une dizaine à Murtoli chez Paul Canarelli. Il a fallu faire un choix, c’était celui du moment.
M. B. : J’ai confiance en son choix, si quelqu’un connaît son île c’est bien lui.
Quel est l’objectif de cette dégustation à l’aveugle aujourd’hui et demain à Bastia ?
M. B. : Nous avons demandé au comité interprofessionnel d’organiser une dégustation comparative à l’aveugle de tous les producteurs qui souhaitent présenter leurs derniers millésimes. À l’issue de cette dégustation, nous irons visiter les domaines qui ont retenu notre attention. La finalité étant de mettre à jour notre guide.
N. S. : Michel Bettane nous fait un honneur de venir en personne suivre la production insulaire, il faut le souligner
Votre présence en Corse est-elle le signe que son vin mérite le détour ?
M. B. : J’ai vu en dix ans une évolution très positive et prometteuse du vignoble corse. Le potentiel qualitatif de son vin est extraordinaire et je suis très curieux de le voir continuer à évoluer. D’où ma volonté de consacrer du temps à cette région, à comprendre l’histoire de son vignoble et celle des vignerons qui le façonnent !
Vos avis sur les vins se rejoignent-ils ?
N. S. : Nous travaillons au feeling, j’ai mon idée, Michel se fait la sienne.
M. B. : Nous sommes plutôt sur la même longueur d’onde. Nicolas a une connaissance extraordinaire de son vignoble, il le défend intelligemment. C’est un très bon informateur.
Quel est le point fort de la production insulaire ?
M. B. : La Corse peut être très fière de ses blancs, qui sont parmi les vins les plus originaux et les plus élégants que j’ai pu goûter. Le Vermentinu est un cépage extraordinaire. Le blanc vaudra à l’île son statut international.
N. S. : La Corse de par ses particularités géographiques et climatiques a la capacité de produire des vins blancs ensoleillés qui gardent une vraie fraîcheur.
Et pour le rouge ?
N. S. : On n’a pas encore inventé le grand vin rouge, mais on commence à le dessiner.
M. B. : il manque encore un peu de science de l’élevage. Mais certains ont déjà des caractères fabuleux.
Et s’il y avait, après tous ces compliments, une critique à formuler ?
M. B. : Le drame, c’est qu’un trop grand pourcentage de vins corses est bu dans l’année de vendange, alors qu’il faudrait au moins attendre 3 ou 4 ans. Il manque cette culture du millésime, qui n’est pas encore entrée dans les moeurs. Il faut sortir de ce jeunisme actuel où tout le monde se précipite sur le dernier millésime ! Dans une économie naturelle du vin, il doit y avoir cette notion de plus-value par le vieillissement. Aujourd’hui le niveau des vins corses est tel qu’on peut les garder. C’est désormais une question d’éducation du public. Nicolas joue d’ailleurs très bien son rôle de caviste en gardant les bouteilles et en sensibilisant le public.
N. S. : C’est vrai que pour beaucoup de vignerons c’est aussi une question économique, ils n’ont pas assez de volume pour stocker. Aujourd’hui, chacun doit jouer le jeu, pas seulement les producteurs, mais également les cavistes, les distributeurs… et les banques !
M. B. : Il faut en effet que les banques aient confiance et jouent leur rôle de mécène. Le vin de qualité est une valeur sûre, qui représente une véritable richesse pour l’économie insulaire.
(*) Le domaine Canarelli également invité à présenter sa production n’avait pu être présent.